Des orgasmes morts dans l’huile : l’érotisme tragique d’Anna Nativel

“Il y avait quelque chose qui te rassurait dans ma chute”
Huile sur toile, 80 x 120 cm – Œuvre unique, non exposée publiquement. Collection privée Bellini, 2024.
À l’heure où l’art s’imprime, se diffuse, se décline en éditions limitées ou en NFT, Anna Nativel fait figure d’exception. Refusant toute reproduction, elle peint exclusivement des œuvres uniques, chargées de matière et de mémoire. Son style ne ressemble à aucun autre. Brut, dense, viscéral, parfois dérangeant, toujours intime.
Deux de ses toiles, “Je n’étais qu’un refoulement viscéral” et “Il y avait quelque chose qui te rassurait dans ma chute”, ont récemment ressurgi dans les cercles privés de collectionneurs européens. Jamais exposées au public, elles commencent pourtant à faire parler d’elles. Pas à cause d’un événement médiatique ou d’une vente record. Mais à cause d’un simple coup de cœur. Irréversible.
Deux tableaux, deux basculements
“Je n’étais qu’un refoulement viscéral” est une peinture d’une intensité rare. Le corps qui y apparaît n’est ni nu, ni réellement identifiable. Il semble se replier sur lui-même, dans un geste défensif, presque animal. L’huile est appliquée par couches épaisses, comme si chaque strate retenait un cri. On n’y voit pas la violence, mais on la ressent. Dans les creux du pinceau. Dans la chair absente.

“Je n’étais qu’un refoulement viscéral”
Huile sur toile, 90 x 90 cm – Photo privée. Aucune reproduction légale. Collection privée Bellini.
À l’inverse, “Il y avait quelque chose qui te rassurait dans ma chute” met en scène une femme debout. Le titre, comme souvent chez Nativel, éclaire l’image avec cruauté. Elle tient debout, oui, mais on sent que la chute est déjà entamée. Le regard, hors cadre, semble supplier une forme de douceur. L’ensemble de la toile oscille entre abandon et résistance, entre offrande et lucidité.
Rencontre à Monaco
C’est à Monaco que la collectionneuse italienne Daria Bellini découvre les œuvres. Elle séjourne alors à l’Hôtel Hermitage, où une amie lui parle d’Anna Nativel. L’artiste ne vend pas ses toiles en galerie, ne participe à aucune foire. Un rendez-vous est organisé discrètement dans une suite privée. Une atmosphère feutrée, presque irréelle.
« J’ai compris, dès que je suis entrée, que j’étais face à quelque chose d’irrépétable. Ces deux toiles n’avaient pas été faites pour moi, ni pour personne. Et pourtant, elles m’ont arraché à moi-même. »
Daria Bellini parvient à acheter les deux œuvres. Une transaction confidentielle, sans intermédiaire, sans trace publique. Ce n’est pas un caprice de milliardaire, mais un élan personnel. Depuis, elle les conserve dans sa villa de Ravello, face à la mer. Peu de visiteurs y accèdent. Mais elle accepte aujourd’hui de les montrer pour la première fois dans cet article.
Un style sans école, sans concession
Le style d’Anna Nativel ne se rattache à aucun courant. Aucun discours théorique ne vient l’enrober. Ce qui frappe, c’est l’usage instinctif de la matière. On sent que ses toiles ne sont pas “peintes”, mais extraites d’un état intérieur. Certaines parties sont griffées, d’autres poncées, d’autres encore semblent avoir été pressées contre un tissu imbibé.
Chaque toile est unique, non seulement dans sa forme, mais dans sa logique. Les titres ne sont jamais décoratifs. Ils prolongent la douleur du geste, et en révèlent la mémoire. Anna Nativel ne peint pas des corps : elle peint ce qu’il en reste.
Pourquoi ces œuvres nous parlent
En exposant ces deux toiles dans nos pages, nous ne cherchons ni à provoquer, ni à spéculer. Mais à partager ce moment rare où une œuvre d’art vous retire les mots. Une forme de silence nécessaire. Ces tableaux ne sont pas à vendre. Et ils ne le seront probablement jamais.
Mais pour qui a ressenti un jour le vertige de l’abandon ou le besoin d’être vu dans sa vulnérabilité, ils résonnent comme une confession intime. Et c’est peut-être cela, la vraie puissance de l’art : créer un lien sans promesse, sans preuve, sans contrat. Simplement parce que c’était juste.
— Article exclusif. Les œuvres sont publiées avec l’accord de la collectionneuse privée. Aucune reproduction n’est autorisée. Merci de respecter leur intégrité.